mercredi 5 août 2009

Bruno Grégoire


"Etendre le linge là,
dans cet espace-là du monde regardé
pour la dernière fois,
s'égarer entre la fraîcheur et la blancheur
d'une taie d'oreiller lavée de quel sang
alors qu'un ami le lui avait cru indélébile,
et d'autres taies, d'autres
linges devenus des chiffons ramassés
comme de vieux journaux :
l'empire de la poussière !
Et dans l'énergie d'un tel cirque, toi
te toucher si tard,
après t'avoir si longtemps aperçue..."
Et sur la même page 60, cet écho, cette retombée (à chaque page le poème apparaît dans ceteffet de miroir) :
"Sentir qu'on a été
immensément soigné à l'air libre, au point
qu'on n'oserait même plus
faire semblant de respirer -"
Traits d'union 2, le sous-titre du livre, l'enchaîne à Loin de Cluj (Obsidiane, 2004). Il était alors question d'amitié. C'est ici un livre d'amour. De déménagement, plus exactement, et d'amour. Une voix parle de cartons, de murs que l'on quitte, d'arrachement au passé ; et simultanément se construisent les échos d'une nouvelle demeure, un livre d'heures de la personne aimée. Un livre de sagesse aussi, dans un doute profond accroché aux choses, aux objets, grâce à une alchimie brûlante des souvenirs...

Ceux qui connaissaient Bruno Grégoire (et notamment dans ses lectures publiques : c'est un formidable lecteur de son oeuvre) n'ignoraient rien de la profondeur de sa poésie, sous ses dehors dépourvus de toute affectation. Mais il trouveront ici son livre le plus "parfait", dans l'homogénéité d'une musique constante. Les illustrations soulignent cette perfection : peintures de Christian Bonnefoy, photographiées par Alberto Ricci.
Jean-Marie Perret

Bruno Grégoire, Le lendemain le monde, peintures de Christian Bonnefoi, Editions Rehauts, 2009 - ISBN 978-2-917029-06-0; 90 p, 15 €.

Aucun commentaire: